Modes de comparution
màj : 27/10/2023

Comparution immédiate #

La comparution immédiate est prévue aux articles 395 et suivants du CPP.

Conditions légales #

Peines planchers #

Le PR décide souverainement de recourir à la CI, à condition que le maximum des peines encourues soient égal ou supérieur aux minima suivants1 (appréciés sans prendre en compte la récidive2):

  • hors cas de flagrance : 2 ans d’emprisonnement ;
  • en cas de flagrance : 6 mois d’emprisonnement.

Ceci implique que le plancher légal pour placer une personne en détention provisoire est plus faible que dans le cas d’une instruction correctionnelle (143-1 CPP - 3 ans d’emprisonnement encourus minimum).

Délits exclus #

Les mineurs ne peuvent pas être jugés en comparution immédiate, en vertu de l’article L.423-5 CJPM (mais ils peuvent, à titre exceptionnel, être poursuivis devant le TPE aux fins de jugement en audience unique3).

La procédure de CI n’est pas applicable aux délits de presse, aux délits politiques ou aux infractions dont la poursuite est prévue par une loi spéciale4 (397-6 CPP, sauf exceptions mentionnées à l’alinéa 2).

Défèrement et comparution #

Selon que la juridiction est pourvue ou non d’un dépôt et que la GàV a été prolongée ou non, les délais de défèrement et de comparution diffèrent.

Articulation des délais #

sequenceDiagram box grey Pas de dépôt participant GàV participant Défèrement participant Comparution end GàV ->> Défèrement : jour de la levée de la GàV Défèrement ->> Comparution : audience du jour + délai 20h

sequenceDiagram box dépôt end GàV ->> Défèrement : jour de la levée de la GàV Défèrement ->> Comparution : audience du jour + délai 20h

À l’issue de la GàV ou de la retenue, la personne est présentée à un magistrat (PR ; JAP ; JI). En principe, ce défèrement a lieu le jour même de la levée de la mesure (803-2 CPP).

Par dérogation à ce principe et uniquement dans les juridictions disposant d’un dépôt5, la personne peut ne comparaître que le lendemain de la levée de la garde-à-vue, sous réserve du respect d’un délai maximal de rétention de vingt heures à compter de la levée de la GàV (803-3 CPP).

Suite aux réserves d’interprétation du CC6, le législateur a apporté deux précisions7 à ce mécanisme. D’une part, le magistrat devant lequel la personne est déférée « est informé sans délai de l’arrivée de la personne déférée dans les locaux de la juridiction » (803-3 al. 2). D’autre part, dès lors que « l’intervention d’un magistrat du siège est requise pour la prolongation de la garde-à-vue au-delà de quarante-huit heures », il convient de distinguer selon que la GàV a été prolongée ou non (803-3 al. 3):

  • si la GàV n’a pas été prolongée: la présentation au PR interrompt le délai de 20h ;
  • si la GàV a été prolongée par le PR: la notification du parquet n’interrompt pas le délai de 20h.

Si la notification (qui saisit le tribunal) n’interrompt pas le délai de 20h, alors le prévenu doit comparaître dans ce délai. À cet égard, l’article 395 al. 3 CPP dispose que « le prévenu est retenu jusqu’à sa comparution qui doit avoir lieu le jour même […]», ce qui est interprété de telle sorte que le prévenu doit être présenté au tribunal lors d’une audience ayant commencé le même jour que celui de la notification.

L’articulation des délais est donc la suivante :

Situation Défèrement Comparution
Juridiction sans dépôt Jour de la levée de la GàV Audience ayant débuté le jour de la levée de la GàV et dans un délai de 20 suivant cette levée
Juridiction avec dépôt et GàV prolongée Dans les 20h de la levée de la GàV Audience ayant débuté le jour de la notification
Juridiction avec dépôt et GàV prolongée par le parquet Dans les 20h de la levée de la GàV Dans les 20h de la levée de la GàV
Juridiction avec dépôt et GàV ≤ 72h prolongée par JLD Dans les 20h de la levée de la GàV Audience ayant début le jour de la notification
Juridiction avec dépôt et GàV < 72h Jour de la levée de la GàV Audience ayant débuté le jour de la levée de la GàV

Nécessité de la rétention #

À l’issue de la GàV, il ne peut être recouru à la rétention qu’« en cas de nécessité » (803-3 CPP). La Cass a ainsi pu rappeler qu’il revenait aux juges de « déterminer les circonstances ayant justifié la mise en œuvre de cette mesure » et a ultérieurement jugé que l’heure tardive d’arrivée au dépôt pouvait constituer une telle circonstance.

Rappel : la garde-à-vue peut être ordonnée (62-2 CPP) et prolongée (63 CPP) afin de « garantir la présentation de la personne devant le PR afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l’enquête », ce dont la Cass a déduit que la GàV pouvait être justifiée par la nécessité de garantir le défèrement de la personne devant le PR, confondant ainsi les nécessités de l’enquête et celles de la procédure.

Il est donc à craindre que le Parquet ne décide d’imputer sur la durée de la GàV la durée qu’il souhaite voir échapper à la rétention (en prolongeant artificiellement la première), sauf à ce que l’arrêt du 27 juin 2018 ne témoigne de la volonté de la Cass de faire respecter plus sévèrement les motifs de privation de liberté.

Saisine #

Le tribunal est irrévocablement saisi par le PV de notification du parquet.

Or, dans la mesure où ce PV de notification a pour support nécessaire la rétention, il s’ensuit que si cette dernière est entachée d’une illégalité, le tribunal n’est pas valablement saisi.

Autre conséquence : en cas de recours à la comparution préalable, si les faits notifiés par le JLD à la personne placée en détention provisoire diffèrent des faits notifiés par le PR, les premiers sont sans incidence sur l’étendue de la saisine du tribunal.

Comparution préalable #

graph LR A{Défèrement} -- CI impossible --> B{JLD} B --> C(libre/CJ/ARSE) B --> D(DP) C -- 10j./6 mois --> E{CI} D -- 2 mois max. --> E

Si la réunion du tribunal le jour même est impossible (jours fériés, week-ends, audiences de CI surchargées) et que les éléments de l’espèce lui semblent justifier un placement en DP, le PR peut souverainement décider d’opter pour la procédure de « comparution préalable » : le prévenu est alors présenté au JLD (396 CPP).

Déroulement de l’audience #

Le JLD statue en chambre du conseil et en l’absence du PR (le débat est néanmoins contradictoire dans la mesure où le JLD statue sur les réquisitions du MP).

Suite à une décision QPC du 4 mars 2021, le législateur a prévu que le JLD devait informer la personne de son droit de garder le silence.

Placement en détention provisoire #

L’ordonnance du JLD doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision par référence aux 1° à 6° de l’article 144 CPP (le « trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public » ne peut donc pas justifier ce placement en DP).

Si le prévenu est placé en détention provisoire, il doit comparaître au plus tard le 3e jour ouvrable suivant, sous peine de caducité du mandat de dépôt.

En cas de non-respect de la mesure, les dispositions du second alinéa de 141-2 CPP trouvent à s’appliquer : le PR peut saisir le JLD afin que celui-ci décerne mandat d’arrêt ou d’amener. Il peut également faire application des dispositions de 135-2 CPP8 : nouvelle présentation devant un JLD qui peut décider du placement en DP et de la comparution devant le tribunal dans un délai de deux mois à compter de l’ordonnance de placement.

Placement sous CJ ou sous ARSE #

En cas de placement sous CJ ou sous ARSE, soit la personne repasse devant le PR pour se voir notifier la date et l’heure de l’audience sous la forme d’une CPV, soit c’est le JLD qui lui notifie lui-même (s’il en a été informé par le PR).

L’audience devra se tenir dans un délai compris entre 10 jours et 6 mois, sauf si d’autres personnes dans le dossier ont été placées en DP, auquel cas il comparaîtra à la même audience qui se tiendra sous 3 jours.

Théorie : saisine par le JLD

La procédure de comparution préalable pose une difficulté – plus théorique que pratique – au regard de la saisine du tribunal : en prévoyant que l’ordonnance de placement en DP « énonce les faits retenus et saisit le tribunal » (396 al. 3 CPP) le législateur semble déroger au principe de séparation des autorités de poursuite et de jugement qui a pourtant valeur constitutionnelle (CC n°95-360, 2 février 1995).

Pour justifier cette rédaction erronée, certains auteurs (Ch. Guéry et V. Lesclous) considèrent que dans ce cas la saisine initiale du PR est subordonnée au placement en DP puisque si la personne est placée sous CJ ou sous ARSE, il est prévu qu’elle reparte devant le procureur pour une CPV, ce qui implique que la saisine initiale ne soit pas définitive.

Plus prosaïque, la Cour de cassation refuse de reconnaître un quelconque pouvoir de saisine au JLD et rétablit chacun dans son strict rôle (Crim., 22 juillet 2015, 15-90.010).

Reste l’incongruité de la double saisine en cas de placement sous CJ/ARSE : le tribunal serait saisi tant par le PV de notification intial que par le PV de comparution. Dans ce cas, Carole Girault émet l’hypothèse d’une mutation de la CI en CPV (AJ Pénal 2016, p.87).


  1. Depuis la loi n°2002-1138 du 9 septembre 2002 il n’existe plus de condition relative au plafond de la peine encourue (la peine maximale encourue est donc de 10 ans d’emprisonnement, 20 ans en récidive). Inversement, on notera que le plancher légal pour placer une personne en DP est plus faible en CI qu’en instruction correctionnelle (3 ans encourus minimum en vertu de 143-1 CPP). ↩︎

  2. Crim., 19 fév. 2002, 01-84.903. ↩︎

  3. Article L.423-4 CJPM alinéa 3. ↩︎

  4. Attention, c’est bien la poursuite qui doit être prévue par une loi spéciale et non l’incrimination. ↩︎

  5. Paris, Créteil et Bobigny. ↩︎

  6. CC, décision 2010-80 QPC du 17 décembre 2010, consid. 10 et 11. ↩︎

  7. Loi n°2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde-à-vue, art. 17. ↩︎

  8. Normalement applicable en cas d’arrestation d’une personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt après la clôture de l’information. ↩︎