Réquisitions
màj : 17/01/2024

Réquisitions #

Requérir : xiie siècle. Réfection, sur le modèle de quérir, de l’ancien français requerre, « prier quelqu’un, adresser une demande », lui-même issu du latin requaerere, altération de requirere, « rechercher ».

1 • Autorisation #

1.1 • Enquête de flagrance #

Les réquisitions sont émises par le parquet ou, d’initiative, par un OPJ ou, sous le contrôle de ce dernier, par un APJ.

1.2 • Enquête préliminaire #

Les réquisitions émanent du parquet ou, sur l’autorisation de ce dernier, d’un OPJ.

L’autorisation préalable est exigée sous peine de nullité (d’OP) de la réquisition, susceptible d’être invoquée par toute personne intéressée. Mais l’autorisation n’est soumise à aucun formalisme particulier et n’a pas besoin d’être renouvelée à chaque acte.

La Chancellerie avait poussé la logique jusqu’à encourager les parquets à émettre des autorisations permanentes à réquisitions1 (dites « instructions générales »). Mais en 2019 la Cour de cassation a limité cette pratique aux seules réquisitions à sachant.

Cela a conduit le législateur2 à instaurer légalement (77-1 §3 CPP) la possibilité de recourir à des instructions générales d’une durée de six mois maximum (renouvelable sans limites) pour autoriser les OPJ et APJ à requérir une personne qualifiée afin de procéder à des examens médicaux ou psychologiques d’une victime ou de procéder aux examens médicaux d’une personne suspectée d’avoir commis une infraction de nature sexuelle (🠖706-47 CPP).

Dans son élan, le législateur est allé jusqu’à supprimer purement et simplement l’exigence d’une autorisation préalable pour les réquisitions à personne qualifiée pour:

  • procéder à la comparaison d’empreintes biologiques d’une personne suspectée d’avoir commis une des infractions entraînant l’inscription au FNAEG (🠖706-55 CPP);
  • procéder à la comparaison d’une trace/empreinte digitale/palmaire d’une personne suspectée d’avoir commis un crime ou un délit.

Bien que l’arrêt de 2019 n’ait visé que les réquisitions à sachant, le législateur a également modifié 77-1-1 CPP afin d’autoriser le parquet à émettre des autorisations générales, permettant aux OPJ/APJ d’obtenir la communication d’information issues d’un système de vidéoprotection pour une catégorie d’infractions déterminées par le parquet et pour une durée de 6 mois renouvelables.

1.3 • Instruction #

Le magistrat et l’OPJ (sur CR) peuvent requérir la communication d’une information (99-3 à 99-5 CPP) ou l’exécution d’une prestation (81 CPP), à l’exception des expertises qui ne peuvent être requises que par le JI (156 CPP).

2 • Nature de la mission #

2.1 • Exécution d’une prestation #

Les réquisitions à personne qualifiée constituent le socle du régime commun des réquisitions d’exécution d’une prestation. À moins que des dispositions spéciales y dérogent expressément il convient de s’y rapporter.

2.1.1 • Réquisitions à personne qualifiée #

Les réquisitions à personne qualifiée visent à solliciter d’un tiers la réalisation d’une prestation de nature intellectuelle: examens médico-légaux3; balistiques ; génétiques; informatiques ; etc. Elles sont prévues à l’article 60 pour la flagrance et 77-1 pour la préliminaire.

Personnes qualifiées – Si elles ne sont pas inscrites sur la liste nationale des experts de la Cass ou d’une CA, les personnes requises doivent prêter serment par écrit d’apporter leur concours à la justice en leur honneur et leur conscience, à peine de nullité d’ordre public.

Certains fonctionnaires et agents publics disposent, en vertu d’une loi spéciale, de pouvoirs de police judiciaire. Dans le cadre de l’information judiciaire et si la loi le prévoit, ils peuvent être requis par CR. En revanche, leur participation aux enquêtes sous l’autorité du PR ne nécessitent pas de recourir aux réquisitions depuis l’insertion, en 2019, d’un 3e alinéa à l’article 28 CPP.

Exécution de la mission – Une mission d’analyse médicale peut impliquer une coercition, dès lors que l’examen est nécessaire pour caractériser une ou plusieurs circonstances aggravantes.

Par une décision QPC de 2022, le CC a rappelé que la personne soupçonnée devait être informée de son droit de se taire lors d’un examen au cours duquel elle était interrogée sur les faits qui lui sont reprochés4.

2.1.2 • Réquisitions à manouvrier #

Les réquisitions à manouvrier (dites « réquisitions de services »), visent à la réalisation d’une prestation manuelle ou matérielle et reposent sur une lecture généreuse de l’article R. 642-1 CP.

Il s’agit d’un pouvoir propre de l’OPJ qui n’a donc même pas à solliciter une autorisation du parquet : peu importe le cadre de l’enquête, il lui suffit de requérir au visa des articles 75 CPP et R. 642-1 CP. La personne requise n’a pas à prêter serment non plus.

2.1.3 • Réquisitions aux fins d’autopsie #

Réquisitions prévues à 230-28 à 230-31 CPP, pour la flagrance, la préliminaire et l’instruction.

2.1.4 • Réquisitions aux fins de déchiffrement #

Prévues aux articles 230-1 à 230-5 CPP, elles visent à obtenir la version claire de données chiffrées.

Elles suivent le régime commun des articles 60 en flagrance, 77-1 en préliminaire et 156 dans l’information : une autorisation préalable du PR est donc nécessaire dans le cadre de l’enquête de police et la personne requise devra prêter serment.

Si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d’emprisonnement, il peut être recouru aux services du Centre Technique d’Assistance de la DGSI[^5].

2.1.5 • Réquisitions aux fins de dépistage d’un conducteur #

Si des dépistages se révèlent positifs, les OPJ/APJ peuvent procéder ou faire procéder à des analyses ou examens médicaux afin d’établir l’usage de stupéfiants (L. 235-2 al. 5 CRoute) ou la consommation d’alcool (L. 234-4 CRoute).

Ces réquisitions n’ont pas besoin d’être autorisées par le procureur et la personne requise n’a pas à prêter serment.

2.1.6 • Réquisitions aux fins de copie de données placées sous scellés #

Ces réquisitions visent à permettre l’exploitation de données informatiques placées sous scellés dans le cadre d’une enquête ou d’une instruction (après une perquisition par exemple).

En flagrance elles sont prévues à l’article 60-3 CPP et l’OPJ, (l’APJ et l’assistant d’enquête (sous le contrôle de l’OPJ)) peuvent requérir sans autorisation préalable du PR. En préliminaire elles sont prévues à l’article 77-1-3 CPP et requièrent l’autorisation préalable du PR. Durant l’information judiciaire elles sont prévues à l’article 99-5 CPP et requièrent l’autorisation expresse du JI.

La personne requise doit prêter serment.

2.2 • Communication d’informations #

Les réquisitions aux fins de communication d’information sont prévues aux articles 60-1 et 60-2 al. 1 en flagrance, 77-1-1 et 77-1-2 en préliminaire, 99-3 et 99-4 dans le cadre de l’instruction[^6].

Rappelons que le régime des réquisitions ne s’appliquent qu’en cas de demande coercitive, à l’exclusion de toute remise volontaire ou consultation sur place.

Les personnes requises peuvent être aussi bien des personnes privées que des organismes publics, mais les personnes visées aux articles 56-1 à 56-5 CPP sont exclues (avocat, journaliste, médecin, notaire, huissier, magistrat et professionnel soumis au secret professionnel).

CEDH : art. 5§2 (Garanties pour les personnes privées de liberté)

Données de connexion - On appelle « données de connexion » ou « métadonnées » un nombre important de données se rapportant non pas au contenu d’une communication mais à ses caractéristiques. Il s’agit en premier lieu de l’identité des interlocuteurs mais également des nombreuses traces numériques: adresse IP, logs des activités en ligne, bornage téléphonique, journal d’appel, matériel utilisé.

Ces données, que la France imposait aux hébergeurs, fournisseurs d’accès et opérateurs de téléphonie de conserver en masse, ont été confrontées au respect du droit à la vie privée.

À cet égard, l’arrêt de la CJUE du 6 octobre 2020 est décisif, même s’il était annoncé par plusieurs arrêts antérieurs interrogeant la conformité de dispositions au droit interne au regard de textes européens.

Textes pertinents - Sans surprise, les textes intéressants se rapportent à la vie privée:

  • droit primaire :
  • droit dérivé:
    • la directive 95/46/CE, abrogée en 2018 avec l’entrée en vigueur du RGPD, constituait le texte de référence de la protection des données à caractère personnel, reprenant les grands principes de la loi informatique et libertés de 1978;
    • la directive 2002/58/CE, modifiée par la directive 2009/136/CE, protège la vie privée sur internet à l’exclusion de ce qui relève des données à caractère personnel. Le règlement e-Privacy (toujours en cours de négociation) abrogera cette directive.
Arrêts de la CJUE pré-2020 #
CJUE, 2014, Digital Rights Ireland #

La CJUE devait se prononcer sur plusieurs questions préjudicielles, portant principalement sur la conformité de la directive 2006/24/CE aux droits visés par la Charte des droits fondamentaux (arts. 7 et 8).

Cette directive imposait aux EM la conservation d’un nombre important de données de connexion « en vue de garantir la disponibilité de ces données à des fins de recherche, de détection et de poursuite d’infractions graves telles qu’elles sont définies par chaque État membre dans son droit interne » (art. premier).

Cette directive ne résistera pas au contrôle de proportionnalité, aux motifs que:

  1. la conservation des données n’admet aucune restriction:
    1. la directive n’opère aucune distinction au regard du risque pénal des individus concernés;
    2. la directive ne prévoit aucune limite temporelle, géographique ou relative à un groupe d’individus susceptibles d’être liés à une infraction grave ou de la prévenir;
  2. l’accès aux données n’admet aucune restriction:
    1. la directive se limite à renvoyer aux EM le soin de définir la notion d’«infraction grave»;
    2. la directive ne contient aucune règle matérielle ou procédurale s’agissant de l’accès aux données;
  3. la durée de conservation, entre 6 et 24 mois, est indifférente aux catégories de données et à leur utilité au regard de l’objectif poursuivi.

En conséquence, la directive 2006/24/CE est invalidée aux motifs que la conservation et l’accès aux données de connexion sont généralisés et indifférenciés au regard de l’objectif de lutte contre la criminalité et la préservation de la sécurité publique.

Conservation des données #

Sans revenir sur cette longue construction jurisprudentielle, on rappellera que la CJUE a jugé en 20201 qu’il convenait de lier l’étendue et la durée de la conservation des données à la gravité de la menace:

  • l’existence d’une menace grave, réelle, actuelle et prévisible à la sécurité nationale peut justifier une injonction rapide de conservation généralisée et indifférenciée pour une période limitée;
  • la lutte contre la criminalité grave peut justifier une conservation de données ciblées sur la base d’éléments objectifs ainsi qu’une conservation généralisée et indifférenciée d’adresses IP à la source d’une connexion, pour une période limitée;
  • pour la lutte contre la criminalité classique il est possible de conserver de manière généralisée et indifférenciée les

Le CE a pris acte de l’arrêt de la CJUE tout en tentant de préserver le dispositif2. Ainsi il a exigé que soit mis en place un mécanisme d’examen régulier du risque susceptible de justifier une conservation généralisée des données de connexion autres que l’adresse IP et l’identité civile pour les menaces à la sécurité nationale et, s’agissant de la délinquance classique, considéré que le mécanisme de conservation rapide prévu par le droit UE (et 60-2 CPP) satisfaisait aux exigences européennes.

Ceci a conduit le législateur à modifier les conditions de conservation (L. 34-1 CPCE) ainsi que la liste des données visées (R. 10-13 CPCE) et à prévoir la possibilité, pour le pouvoir réglementaire, d’enjoindre les opérateurs à conserver certaines données pour une durée d’un an renouvelable.

L.34-1 Motif Nature Durée de conservation
II bis,°1 besoins de la procédure pénale, prévention des menaces contre la sécurité publique et sauvegarde de la sécurité nationale Infos relatives à l’identité civile de l’utilisateur 5 ans à compter de la fin de validité du contrat
II bis,°2 idem autres infos fournies par l’utilisateur lors de la création du compte et infos relatives au paiement 1 an à compter fin validité contrat ou clôture du compte
II bis,°3 besoins de la lutte contre la criminalité et la délinquance grave, la prévention des menaces graves contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements utilisés 1 an à compter de la connexion ou de l’utilisation de l’équipement
III motifs tenant à la sécurité nationale, lorsqu’est constatée une menace grave, actuelle ou prévisible caractéristiques techniques, date, horaire et durée des communications ; données permettant d’identifier le(s) destinataire(s) ; données permettant de localiser la communication téléphonique + données II bis °3 1 an à partir de la publication du décret du PM enjoignant à la conservation
(renouvellement possible)
III bis prévention et répression de la criminalité, de la délinquance grave et des autres manquements graves aux règles dont les autorités ont la charge toutes les données mentionnées au présent article 1 an (60-2 al. 2 CPP) à compter de la réquisition aux opérateurs.
Accès aux données #

Par un arrêt de 2021 la CJUE a jugé3 que le ministère public ne pouvait autoriser les forces de l’ordre à accéder aux métadonnées.


  1. Circulaire du 8 sept. 2016 (§1.2) et circulaire du 16 nov. 2018 (Fiche 1). ↩︎

  2. Loi n°2020-1672 du 24 décembre 2020, art. 26. ↩︎

  3. Le terme d’expertise est réservé aux prestations sollicitées par un magistrat du siège; le parquet sollicitera pour sa part des examens. Cette différence terminologique n’emporte aucune conséquence sur le plan probatoire. ↩︎

  4. Décision n°2021-975 QPC du 25 février 2022, cons. 7 à 12. ↩︎


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