Sonorisation et fixation d'images
màj : 17/01/2024

La procédure de sonorisation et de fixation d’images a été légalisée par une loi du 9 mars 20041. Depuis, elle est prévue aux articles 706-96 à 706-98 CPP.

La sonorisation consiste à poser un micro afin d’écouter les conversations dans un lieu déterminé tandis que la fixation d’images consiste à installer un dispositif fixe (caméra) ou mobile (drone) pour suivre à distance les déplacements dans un lieu déterminé.

Décision d’autorisation #

Nature de la décision #

La sonorisation/fixation d’images suit le régime commun des techniques spéciales d’enquêtes prévu aux articles 706-95-11 et s. CPP :

  • au cours de l’enquête la décision est prise par le JLD sur requête du PR ;
  • au cours de l’information la décision est prise par le JI après avis du PR.

L’autorisation est rendue sous la forme d’une ordonnance et exécutée par une commission rogatoire spéciale.

Attention ! La jurisprudence (pour alléger la rigueur du formalisme2) a considéré que les références à l’« autorisation » renvoyaient aussi bien à l’ordonnance qu’à la CR spéciale, ce qui emporte des conséquences majeures quant au support des mentions visées par le CPP à peine de nullité.

Ordonnance du JLD #

  • Ordonnance écrite et motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant la nécessité de la mesure 3 ;
  • En cas d’« urgence résultant d’un risque imminent de dépérissement des preuves ou d’atteinte grave aux personnes ou aux biens », l’autorisation du JI peut être donnée sans avis préalable du PR, mais elle doit faire état des circonstances caractérisant l’urgence.

À peine de nullité, les opérations n’ont pas d’autre objet que la recherche et la constatation des infractions visées dans la décision d’autorisation. Mais si les opérations « révèlent des infractions autres que celles visées dans l’autorisation » ceci ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

Commission rogatoire du JI #

Durant l’information, ces mesures sont autorisées par le JI après avis du PR (706-95-12 CPP).

S’agissant de la mise en œuvre concrète, il faut distinguer 2 phases :

  • la « mise en place » du dispositif est effectuée par un OPJ commis par le JI ou requis par le PR, ou par un APJ sous la responsabilité de l’OPJ ;
  • mais, avant cela, « en vue de procéder à l’installation, à l’utilisation et au retrait » des dispositifs, le PR, le JI ou l’OPJ peut requérir tout agent d’un service, d’une unité, d’un organisme ou d’un service placé sous l’autorité ou la tutelle du ministre de l’Intérieur et dont la liste est fixée par décret.

La sonorisation et la fixation d’images se déroulent sous l’autorité du magistrat qui les a autorisées et qui peut ordonner à tout moment leur interruption.

Infractions concernées #

La procédure ne peut être mise en œuvre qu’en matière de délinquance organisée (706-73 et 706-73-1 CPP).

Les infractions visées doivent nécessairement être mentionnées dans l’ordonnance, au titre de la motivation en droit de la nécessité de la mesure.

Durée #

Dans le cadre de l’enquête l’autorisation est donnée pour une durée maximale d’un mois, renouvelable une fois, dans les mêmes conditions de forme et de durée.

Dans le cadre de l’instruction l’autorisation est donnée pour une durée maximale de 4 mois, renouvelable 5 fois (= durée max totale de 2 ans), dans les mêmes conditions de forme et de fond.

La durée doit être mentionnée dans l’ordonnance ou dans la CR spéciale.

Lieux visés #

Généralités #

Le CPP prévoit la sonorisation « dans des lieux ou véhicules privés ou publics » et la fixation d’images « dans un lieu privé » (706-96). Ce lieu doit être mentionné dans l’ordonnance ou dans la CR spéciale.

Les lieux suivants ne peuvent faire l’objet d’une sonorisation/fixation :

  • cabinet et domicile de l’avocat ;
  • locaux d’une entreprise de presse, agence de presse, entreprise de communication au public en ligne, véhicules pros de ces entreprises et domiciles d’un journaliste ;
  • cabinet d’un médecin, d’un notaire ou d’un huissier ;
  • locaux d’une juridiction ou domicile d’un magistrat ;
  • véhicules, bureaux et domiciles des parlementaires.

Cas particulier de l’espace public #

Contrairement à la sonorisation, qui porte nécessairement atteinte à la vie privée, la fixation d’images d’une personne dans l’espace public ne nécessite pas de passer par la procédure spécifique : en vertu de leurs pouvoirs généraux durant l’instruction4 ou durant l’enquête5, le JI et le PR peuvent commettre ou demander la mise en place d’une fixation d’images d’une personne dans l’espace public.

À cette solution classique, la CourEDH est venue apporter un tempérament : le caractère systématique ou permanent d’un enregistrement d’une personne dans l’espace public est susceptible de porter atteinte à sa vie privée, déplaçant le débat sur le terrain de l’article 86 et nécessitant l’autorisation préalable d’un magistrat. La Cour de cassation a intégré cette jurisprudence et reprend ses termes quand elle se prononce sur la question.

Mise en oeuvre #

Procès-verbaux #

Le JI, le PR, l’OPJ commis/requis par eux ou l’APJ agissant sous la responsabilité de l’OPJ, dresse PV de la mise en place, de l’installation, de l’utilisation et du retrait du dispositif. Il y figure la date et l’heure auxquelles l’opération a commencé et celles auxquelles elle s’est terminée.

Retranscription #

L’OPJ, l’APJ (sous resp. OPJ) ou l’assistant d’enquête (sous contrôle OPJ) décrivent ou retranscrivent dans un PV versé au dossier « les données qui sont utiles à la manifestation de la vérité ».

Toute « séquence relative à la vie privée étrangère aux infractions visées » ne peut être conservée dans le dossier


  1. Loi n°2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. ↩︎

  2. Cet arrêt du 13 novembre 2008 est à la frontière du contra legem en distinguant, dans les termes de la Cour, l’« ordonnance d’autorisation » et l’« autorisation » prévue par le texte et, à l’inverse, en confondant une autorisation et une commission. Pareille interprétation qui ne semble possible qu’en raison de la rédaction sibylline de l’article 706-95-13 : « l’autorisation […] fait l’objet d’une ordonnance … », ouvrant ainsi la porte à une distinction qui n’a pas lieu d’être. ↩︎

  3. Il s’agit de la seule mention qui doit nécessairement figurer sur l’ordonnance, à l’exception de la CR spéciale. L’ordonnance a un caractère non-juridictionnel et est insusceptible de recours. ↩︎

  4. Crim., 11 déc. 2018, n°18-82.365 - article 81 CPP. ↩︎

  5. Crim., 8 déc. 2020, n°20-83.885 - articles 39-3 et 41 CPP. ↩︎

  6. CEDH, 17 oct. 2019, 1874/13, §93 ; 28 janv. 2003, 44647/98, §58-59. ↩︎


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